Alphonse Guérin, inventeur du pansement ouaté.

Alphonse Guérin, chirurgien dans les hôpitaux de Paris, participe aux recherches auxquelles s’adonne Pasteur. Il devient célèbre avec l’invention du pansement ouaté qui permet de soustraire les blessés à l’empoisonnement et à l’infection purulente.

            

 

           Biographie

Alphonse Guérin nait le 9 août 1816, près des Halles de Ploërmel où son père exerce la profession de notaire. Orphelin à six ans il est élevé ainsi que son frère Frédérique par sa mère, Thérèse Julie Perrine Orieulx de la Porte. Celle-ci est originaire du Bois de la Roche, née dans une résidence située face au château du même nom. Cette famille côté maternel exerce aussi le notariat depuis plusieurs générations.

              Etudes

 A quinze ans, Alphonse et son frère Frédérique, font leurs études à Vannes où leur mère vient habiter. La famille fait la connaissance du philosophe et homme d’état Jules Simon ; une amitié qui durera 65 ans !

Puis, Alphonse gagne Lorient, afin de faire des études à l’école navale.  Son oncle, Hyppolite Orieulx, lui suggère de plutôt faire médecine. Sa cousine O’Neill, fille d’un chirurgien de Josselin et religieuse à l’hôpital civil et militaire de Bourbon-Vendée, lui propose une place d’interne pour étudier la médecine.

Bachelier, Alphonse entre à la faculté de médecine de Paris où il se lie d’amitié avec le poète Hégésippe Moreau. Réussissant tous ses concours, il est reçu docteur à 31 ans avec une thèse consacrée à la fièvre purulente. Il est nommé professeur à 33 ans. Il est alors médecin à l’amphithéâtre de Clamart et aux hôpitaux de Lourcine en 1858, de Cochin et Saint Louis en 1863 et devient médecin-chef à l’Hôtel-Dieu en 1868.

             Vie familiale

 A chaque vacance, Alphonse revient au Bois de la Roche chez son oncle Hyppolite Orieulx. Il côtoye la famille de Pommereul, habitant le château du Fresne de Néant, dont la fille Annaïs est une amie d’enfance. Il l’aime en secret, mais sans fortune ne peux lui proposer de l’épouser. Celle-ci se marie avec le baron Hyppolite de Montcuit du Boiscuillé (1776-1842). Quelques années  plus tard, en 1854 Annaïs, alors veuve, tombe gravement malade. Aphonse est appelé d’urgence à son chevet et la guérit. Il l’épouse alors.

             Guérison du pape Pie IX

Pour Pâques 1863, Alphonse et son épouse séjournent à Rome. On parle d’amputer le pape Pie IX atteint d’ulcères variqueux et d’eczéma. Alphonse Guérin déjà conscient de l’asepsie est sollicité, malgré le Vatican divisé devant la perspective d’une intervention d’un mécréant, d’un agnostique. Il parvient à guérir le saint Père. Ce dernier ne sachant comment remercier le docteur lui propose de le nommer comte de Rome. Alphonse refuse cet honneur : il n’accepte qu’un chapelet en cornaline qu’il donne à son épouse.

Et plein de reconnaissance le Saint Père dit au médecin : «  Docttore, vous êtes « il piu grand » de tous les médecins du monde ». Alphonse qui connait le dogme de l’infaillibilité, lui répond : «  Puisque votre Sainteté le dit, je suis bien obligé de la croire. » A noter que ce pape est auteur du dogme de l’Immaculée Conception (en 1854) et du Syllabus (en 1864). Il est bon de préciser que le médecin est en effet connu comme un anticlérical virulent et un franc-maçon actif.

Mme de Martel a dit de lui : « Croyant comme un Breton, mais septique comme un Parisien ! ».

Au cours de son existence, Alphonse Guérin  sauve aussi au moins deux fois la vie de M Jules Simon.

            Voici ce qu’en rapporte de Kératry dans son témoignage écrit lors du décès du docteur :

« L’illustre homme d’état (Jules Simon) quoique souffrant d’un anthrax était allé dans l’Aude ou dans l’Hérault, soutenir la candidature de son fils qui se portait à la députation… L’anthrax avait pris des proportions telles  qu’il s’évanouit ». Rentré d’urgence à Paris il dit à son fils de téléphoner sans retard à Guérin. « Par malheur, Alphonse Guérin était dans ses terres aux environs de Ploërmel. La dépêche lui fut remise au beau milieu d’une partie de chasse. Un autre aurait hésité, se serait excusé peut-être. Guérin n’eut pas un instant d’hésitation. Jules Simon l’appelait, il accourut. Quelques heures plus tard il arrivait place de la Madeleine où il trouva son ami étendu sur une chaise longue, souffrant comme un damné, plus mort que vif. Il regarde l’anthrax, fait une grimace significative, et prenant la main de Jules Simon : « As-tu confiance en moi ? » Le malade fit un signe de tête. Et d’un coup de bistouri, le docteur ouvrit l’anthrax, d’où jaillit un flot de sang noir comme de l’encre….

Combien d’autres ce chirurgien éminent n’a-t’il pas préservé de la mort, sans bruit, modestement, comme il fit toutes choses, car il avait horreur de la réclame ? »

Léon Séché, Revue des Provinces de l’Ouest, février 1895.

           

            Engagement politique

Même sous l’Empire, Alphonse Guérin demeure un fervent Républicain. Quel contraste avec un de ses oncles, Pierre Robinault de Saint Régent, officier de marine qui fut en son temps le bras droit de Georges Cadoudal et devint l’auteur de la « Machine infernale ! Il sera d’ailleurs guillotiné le 21 avril 1801 à l’âge de 35 ans !

Suite au décès d’Yves Desprées de la Morlais, Alphonse se présente au conseil général du canton de Mauron. Il bat Sigismond Ropartz et Goaësbe de Bélée et assure le mandat d’élu de 1865 à 1871. Il s’investit et offre même ses propres deniers afin que le chemin de fer puisse passer par Mauron.

Les agriculteurs ne prélevant pratiquement plus la bruyère et l’ajonc pour la litière et l’alimentation du bétail, Alphonse Guérin invente la sylviculture sur le massif de Paimpont. Il y préconise la plantation de pins, essence qui arrive à maturité plus rapidement que les chênes et les hêtres.

 

            Notoriété médicale

 En 1855, il publie un Traité pratique des opérations.

En 1859, les chirurgiens des hôpitaux l’élisent pour les représenter au Conseil de Surveillance de l’assistance publique.

En 1868, il est élu membre de l’Académie de Médecine dont il devient le président en 1884. 

« Il est aussi le bienfaiteur de l’Ecole de Médecine de Rennes. Mais en 1884, suite à une décision du conseil municipal qui supprime deux emplois  de professeurs à la clinique, Alphonse engage encore ses deniers personnels et une subvention de 5000 francs est investie au budget de la ville. Mais bientôt, suite à un revers de fortune, le docteur ne peut continuer sa donation annuelle. »

www.assorennes.org/mais-qui-est-donc-le-docteur

 

           Invention du pansement ouaté

Dès 1847, dans sa thèse de doctorat, Alphonse Guérin a vu le premier que ces corpuscules qu’il désignait sous le nom de « miasmes » étaient la cause directe de l’infection purulente.

Ses pansements sauvent les premières vies lors du conflit russo-turque de 1867/68.

« Pendant le siège de Paris lors de la guerre de 1870, il met encore en place ce mode de pansement pour les amputés. Les blessés peuvent être transportés sans douleur après l’opération. Le malade cesse de souffrir et peut supporter sans être incommodé les secousses et les cahots. Il n’a plus de fièvre et peut s’alimenter normalement. Deux, trois pansements suffisent à la guérison. Aucun autre ne donne de tels résultats. Aussi, est-il adopté en Allemagne par la chirurgie militaire. »

Annexe du Petit Journal- Emile Gautier-13 mars 1895

« Le docteur Guérin démontrait que l’infection purulente était engendrée par des corpuscules animées de l’air nommées maintenant « microbes ».

Il lui revient cet honneur d’avoir indiqué la voie de la méthode antiseptique et de la science bactériologique. »

Thèse de doctorat du Dr Le Mitouard, chirurgien militaire, pages 5 et 6, janvier 1892

« Alphonse Guérin est en effet le premier qui appliqua la méthode antiseptique. Il prévoyait, il devançait les merveilleuses et géniales découvertes de Pasteur et précédait Lister dans son système de pansement. Ce pansement aseptique a été un immense progrès. Il a ouvert la voie à la méthode moderne. Il a révélé la nocivité des germes, et l’on peut dire que ce fut Alphonse Guérin qui, le premier, découvrit le microbe en le tuant. »

La Marseillaise, 28 février 1895.

              Destin

Son épouse, Annaïs, atteinte de l’influenza, décède le 5 janvier 1890. Afin de respecter sa dernière volonté, il l’a fait enterrer au sommet d’une colline recouverte de genêts et d’ajoncs, située sur la commune de Néant : la « Lande du Cerisier ».

Alphonse contracte une grippe au début de l’année 1895. Elle se transforme en pneumonie. Probablement, après avoir pris une trop forte dose de morphine pour calmer ses souffrances, il est terrassé à Paris le 22 février. Sa sœur qui le veillait envoie chercher un religieux assomptionniste. Ce dernier donne l’extrême-onction au mourant qui dans ses derniers moments a laissé entrevoir des signes d’assentiment.

« M Guérin est mort victime de son devoir. Il a voulu malgré une grippe d’une extrême gravité, continuer à diriger les travaux d’une Commission dont il était le président (le jury pour le concours de l’internat). Une pneumonie est survenue qui l’a emporté en peu de temps. M Guérin n’était pas seulement un des grands chirurgiens de notre temps, c’était une âme élevée toujours prête à venir en aide aux malheureux. Ses soins ne leur ont jamais fait défaut. »

Le Soleil, 17 février 1895

« Quelques jours avant sa mort, il se préoccupait de répéter avec nous des expériences  dont il fut autrefois l’initiateur sur la transfusion sanguine par communications vasculaires (circulation commune)  dans le but de substituer un sang normal à un sang pathologique, ce qui rentre dans le courant actuel de l’hémothérapie et de la sérumthérapie. »

Tribune médicale, 27 février 1895.

 

              Mausolée

 Apres le décès du Docteur Guérin, un service funèbre est célébré à  Saint Pierre Chaillot avant que la dépouille ne soit dirigée vers la Bretagne. A la gare de Paris, on entend les discours des docteurs Lucas-Championnière, d’Auger, de Peyron et l’hommage de Jules Simon, déjà presque aveugle.

A Néant on célèbre l’office des morts puis vient l’inhumation au sommet de la « Lande du Cerisier ».

Le corps du médecin repose aujourd’hui près de celui de son épouse sous un mausolée de granit, monument édifié à la mémoire du docteur, par la ville de Ploërmel.

 

               Souscription pour une statue de bronze

« L’Association des Bretons de Paris n’en restera pas là, et ce n’est point commettre  une indiscrétion que d’annoncer son intention de faire élever au docteur Guérin, un monument commémoratif en Bretagne. »

Henri Eon, Dépêche Bretonne, Rennes, 3 mars 1895.

Un buste de bronze est érigé en témoignage  de la reconnaissance des Ploërmelais. Il est l’œuvre du sculpteur breton Georges Barreau et de l’architecte Dumesnil. Il est situé Place d’Armes, et inauguré le 13 septembre 1896. Hélas, pendant l’occupation, les Allemands font fondre la statue pour récupérer le bronze à l’usage des usines à canons. Ils respectent cependant le buste qui est déplacé devant l’hôpital qui porte aujourd’hui son nom.

A noter que ce buste n’a pas plu à tout le monde. Marquis de Bellevue, dans son ouvrage intitulé  «  Ploërmel, ville et sénéchaussée » écrit : Monument qui ne fait honneur ni au sculpteur qui l’a exécuté ni à la municipalité qui l’a accepté et payé. Non, le docteur Guérin, si peu idéaliste qu’il fut, aurait protesté contre cette saleté, moulée en bronze, qui est pour sa mémoire non une gloire mais un outrage.

 

            Distinctions

 Nommé chevalier de la légion d’honneur le 12 août 1864

Officier en 1871

Commandeur en 1884

Reçoit le collier de grand officié de l’ordre du tsar Stanislas II

L’académie des sciences lui décerne le prix Montyon en 1875 et le prix Godart en 1879.

 

            En guise d’hommages

 Des articles religieux pour la mémoire du docteur Guérin ont été publiés en Belgique, en Suède, en Allemagne, en Italie, en Russie, en Amérique.

 

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             Sources

 Appréciations de la presse, extraits des articles des principaux journaux de 1895

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Extraits de rubriques du journal Ouest France

Notes de l’abbé Merlet écrites vers 1925 transmises par Joseph Boulé

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