L’abbé Gillard fera un « grand » usage de la mosaïque. Nous ne sommes pas loin de Rennes, et les ateliers Odorico ont une réputation bien assise dans la région. Quand Vincent Odorico  en septembre 1952 signe le livre d’or et félicite l’abbé Gillard pour sa restauration, nous assistons peut-être au moment déclencheur de cette relation qui donnera le chef d’œuvre

du « Grand Cerf blanc ».

Une autre rencontre va peser dans ce grand projet, celle de Jean Delpech en 1953, brillant professeur de dessin qui venait d’arriver à l’école des Beaux-Arts de Rennes. Sollicité pour illustrer le dernier livret écrit par l’abbé, « Les mystères de Brocéliande », c’est lui qui dessinera le carton de la grande mosaïque.

Nous trouvons son acte de naissance dans le livre d’or: « le 23 juillet 1954 à 13 heures, a été posé le premier morceau de la mosaïque représentant le grand cerf blanc au collier d’or ». Galliano Serafini y évoquera les 17 couleurs utilisées pour cette œuvre, et ses presque 180.000 tesselles.

Pourquoi un Cerf Blanc dans une église? Pour l’abbé Gillard, le Grand Cerf blanc appartient bien à l’histoire de la Table Ronde. Voici ce qu’il en dit dans l’ouvrage illustré par J. delpech:

« le sujet doit être réalisé un jour sous forme de mosaïque et il doit représenter un grand cerf blanc portant un collier d’or, entouré de quatre lions et apparaissant auprès de la fontaine de Barenton. En vérité ce n’est pas une apparition, mais une figuration de Jésus et des quatre Évangélistes créée au Moyen-Age par la littérature. La légende du Moyen-Age aboutit à la conclusion qui certainement à son charme. Mais l’intérêt ici portera sur le collier. Ce collier, c’est l’attelage antique, c’est le harnais du vieux temps, c’est le joug dont Jésus parle dans les Évangiles, c’est la chaine que porte sur eux les Évêques et dont tout fidèle doit se croire revêtu à l’effet de porter chrétiennement son fardeau »

Dans le roman de Joseph d’Arimathie, celui-ci et ses compagnons sont en peine de traverser la redoutable rivière Célice. Ils se mirent donc en prière en attendant un signe. C’est alors qu« Ils virent sortir d’un petit boqueteau, tout près d’eux, un cerf plus blanc que neige, portant chaîne d’or à l’encolure; il avait en sa compagnie quatre lions. » Ils y reconnaissent le christ et les évangélistes et le suivent. Dans une autre version, le grand cerf et les quatre lions pénètrent dans une chapelle soudainement apparue au cœur de la forêt, et alors que le cerf blanc monte sur l’autel, il se transforme en un corps d’homme, tandis que les quatre lions se transforment en êtres ailés emportant le Christ par la grande verrière.

Cette assimilation du Christ au cerf se retrouve ailleurs dans la tradition chrétienne, avec les légendes de Saint Hubert et de Saint Eustache.

A Tréhorenteuc, la rivière Célice est représentée par la fontaine de Barenton. Le fond général de la mosaïque est comme doré, dans l’esprit des absides paléochrétiennes.

Le Grand Cerf blanc est clairement désigné comme le Christ par son nimbe crucifère, et par le collier d’or avec la croix. Il détourne la tête vers l’arrière, comme l’Agneau mystique. (L’Agneau porté par la statue de Saint Jean Baptiste à la même attitude). Sa couleur blanche est celle de la Transfiguration. Son œil rouge fait pendant à la robe rouge des lions, qui ont l’œil blanc. Les évangélistes sont l’émanation du Christ.

Les quatre lions sont quant à eux, désignés comme les quatre Évangélistes grâce à leurs auréoles, mais évoquent aussi les Quatre Vivants de l’Apocalypse.

Au-dessus du Grand Cerf, les arbres figurent la forêt de la légende, mais aussi de Brocéliande toute proche. Ils sont d’une couleur plus jaune que verte, ce qui ,ajouté à leur forme ronde, n’est pas sans évoquer le soleil.

Sous les pattes du Grand Cerf, Barenton représentant la présence de l’élément eau, adopte une parcours qui évoque nettement un croissant de lune.

Cette composition peut aussi évoquer le thème du Cerf s’abreuvant à la source, comme dans le psaume 42 (41)  » Comme le cerf aspire après l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu »

Le Cerf blanc représentation du Christ est donc en position centrale ou d’équilibre entre le soleil et la lune, entre le rouge et le bleu comme nous le verrons plus tard.

Entre les pattes du Cerf, une ancolie qui souvent dans les anciens codes picturaux évoque la Passion du Christ. Sa couleur violette n’est pas sans rappeler la couleur du Christ du maitre vitrail qui lui fait face. Couleur de haute spiritualité, et fusion du bleu et du rouge illustré par la chapelle de la Vierge et celle de Saint Eutrope comme nous le verrons plus loin.

La mosaïque du chœur, ou croix de Jérusalem :

Reportons-nous aux écrits de l’abbé Gillard Livret « Les mystères de Brocéliande », paragraphe « Jérusalem » :

 » Dans toute église, on représente eucharistiquement ce qui s’est passé à Jérusalem le Vendredi-Saint. Donc toute église est un petit Jérusalem. D’où le blason de la ville aux quatre coins et au milieu du chœur. Il est formé de cinq croix en souvenir des cinq plaies de Notre-Seigneur et elles sont rouges parce que le sang de Jésus à l’état naturel était rouge. On précise qu’il s’agit de sang à l’état naturel parce qu’il y a aussi le sang de Jésus à l’état eucharistique et alors il n’est pas forcément rouge, il n’est même pas forcément liquide »

Ce motif à cinq croix n’est pas sans rappeler les tables d’autel, et leur consécration par les cinq croix tracées par l’évêque. Confirmant cette notion de Sainte-Table, un calice et une hostie rayonnant de dix-sept rayons sont placés au centre de cette croix. Si les visiteurs modernes y voient une représentation du Graal, l’abbé anticipant le sujet, insiste comme toujours sur le contenu et non le contenant avec la devise suivante » La Puissance du Sang Divin ».
Masquée lors des déplacements d’autel suite à Vatican 2, cette mosaïque à été redécouverte le 24 juin 2014 à 20h, soit cinquante ans plus tard, grâce au Père Marbaud, et sous les yeux de la statue de saint Jean-Baptiste, dont c’était la fête ce jour-là!

Rappelons nous que saint Jean-Baptiste est celui qui indique le Christ. Quel meilleur allié que lui dans cette église, où tant de chercheurs passent en quête d’une réponse spirituelle…

Revivez les moments de la découverte de cette mosaïque sur le lien suivant =>

Mosaïque des fonts baptismaux:

Les fonts baptismaux de Tréhorenteuc sont encadrés de deux petites mosaïques, représentant l’une, une queue de poisson, l’autre une tête de bélier. La thématique de l’Alpha et de l’Oméga, « Je suis le commencent et la fin » est attaché au rituel du baptême. Dans la lecture par idéogramme chère à l’abbé Gillard, la queue du poisson qui semble être une « fin » est pour l’Abbé, la silhouette de lettre alpha minuscule. Dans les cornes du bélier, qui pourtant sont en tête, il va y voir la silhouette de la lettre oméga minuscule. Cette permutation entre la tête et la queue, le poisson dernier signe du zodiaque et le bélier premier signe se retrouve dans l’interprétation du vitrail du zodiaque de cette église. (Voir l’article sur les vitraux et en particulier celui du Zodiaque).

Le poisson est aussi  bien sur le symbole de Jésus-Christ depuis le temps des catacombes, car en grec son nom est ICHTUS, acronyme de « Jésus Fils de Dieu Sauveur ». Le bélier quant à lui qui représente la fin, est un agneau devenu adulte. Les pères de l’église utiliseront le bélier pour parler du Christ.

L’abbé Gillard écrit dans son livret « Vérités et légendes de Tréhorenteuc » : « L’Alpha veut dire créateur, et l’oméga Rédempteur », et plus loin »Dieu nous a créés et rachetés »

Mosaïque de la chapelle de la Vierge:

C’est le bleu marial qui a été choisi. Sous le vitrail de « Celle qu’aima Sainte Onenne » un croissant de lune doré, allusion à la femme de l’Apocalypse « la lune sous ses pieds ». Le décor intègre une étoile à sept branches argentées en haut, et des vagues stylisées argentées en bas. La conjugaison de ces deux symboles est là pour évoquer l’un des noms de la Vierge, « Stella maris ».
De part et d’autre du vitrail, une mosaïque représente un bouquet de fleur, allusion à la légende de Sainte Onenne offrant des fleurs à la Vierge, et une brassée de blé, probablement en rapport avec le six épis de blés que l’Enfant Jésus offre à sainte Onenne sur la bannière d’Anne de Bretagne.
Située au nord, cette couleur froide y a toute sa place.

 

Mosaïque de la chapelle Saint Eutrope:

Là encore, tout le fond de la chapelle, au-dessus de l’autel, et autour du vitrail est recouvert de mosaïques. Pour cette chapelle du Saint-Sacrement, dédiée aussi à Saint Eutrope, Patron de cette église, c’est le rouge qui a été retenu. Cette couleur convient aussi bien à la Passion, représentée par la réserve Eucharistique, que pour le martyre d’Eutrope. Le décor se limite à une petite croix et deux losanges dorés.

Située au sud, cette couleur chaude y a toute sa place.

Ces couleurs bleue et rouge de ces deux chapelles sont les prémices de la couleur violette du Christ du maître Vitrail central, et de l’ancolie violette au centre de la mosaïque du cerf.
Bleu au nord, qui est aussi le côté de la féminité, car Notre-Dame et Sainte Onenne sont placées au nord, et rouge au sud, qui est le côté masculin représenté par Saint Eutrope et Saint Judicaël.

Ce mélange des oppositions trouve son aboutissement dans le Christ violet placé au centre du maître vitrail.